Vieillir en huis clos : une condition désormais partagée par tous ?
Posté le 7 avril 2020 dans Articles

Vieillir en huis clos : une condition désormais partagée par tous ?
Et si le COVID-19 portait le germe d’un électrochoc social ?

En ces temps d’isolement strict des EHPAD, de fermeture des écoles, collèges, lycées et universités et de confinement de tous à domicile, il nous a semblé opportun de s’interroger sur la place de la vie sociale chez chacun d’entre nous. Sommes-nous tous en train de partager ce qui fait le quotidien de bon nombre de concitoyens âgés ? La privation de vie sociale pourrait-elle appeler une prise de conscience de ce besoin fondamental qu’est la reconnaissance mutuelle, d’appartenance à une communauté sociale en interaction ?

Parmi l’accumulation des pertes propres à la vieillesse, de la vie professionnelle associée à la reconnaissance sociale, au veuvage en passant par les limitations fonctionnelles, celle de la vie relationnelle occupe une place d’importance avec un fort impact sur la santé. Une étude menée en 2017 par l’association des Petits frères des pauvres et par l’institut CSA a révélé que 900 000 personnes âgées de 60 ans et plus sont isolées de leurs familles et de leurs proches. Et pour 300 000 d’entre eux, il est question d’isolement extrême en rupture relationnelle avec l’ensemble des réseaux (familiaux, amicaux, voisinage, associatifs…), ce qui fait dire à Michel BILLÉ, sociologue, que « nous sommes passés d’une situation d’exclusion à une véritable mort sociale ».

L’isolement tue, le covid-19 aussi…

Mercredi 11 mars, le Gouvernement a décidé de suspendre toutes les visites dans les maisons de retraite et à limiter les interventions des professionnels de santé et de l’animation extérieure. Mais de cette déprivation de lien social que chacun peut vivre dans des proportions variées naît un élan d’initiatives visant à recréer ce lien manquant. Comme le dit Joël DE ROSNAY « la technologie ne crée pas de lien social, mais elle peut donner des conditions qui font qu’en se la réappropriant, on crée du lien social ». C’est ainsi que des initiatives solidaires fleurissent en ce début de printemps.

L’intérêt de cette généralisation du « social distancing » est, paradoxalement, d’offrir à tous les citoyens, l’opportunité de se rapprocher des conditions d’isolement que vivent les personnes âgées en perte d’autonomie. Quand les « actifs » deviennent autant inoccupés que ceux désignés comme vieux, c’est la relation au temps long qui est interrogée. Le confinement subit et la rupture brutale du lien social peut aussi questionner chacun sur son rapport à la solitude et au risque d’isolement.

Le COVID-19 : un électrochoc social ?

Corona était jusqu’ici pour la plupart d’entre nous une bière Mexicaine ou encore le groupe auteur du tube « The Rhythm of the night ». Mais depuis quelques semaines que l’on soit écolier, étudiant, actif ou retraité ce mot évoque chez chacun d’entre nous quelque chose de nouveau qui marquera l’histoire mondiale. Corona est à présent un virus qui aura causé une pandémie. Comme le dit Edgar MORIN dans l’un de ces derniers post Twitter « Ce serait terriblement triste s’il ne sort pas de cette méga-crise une pensée politique indiquant la nouvelle Voie ».

Boris CYRULNIK remarquait dernièrement sur les ondes de France Inter qu’après chaque catastrophe, il y a un changement de culture. Dixit « Il y a eu beaucoup de catastrophes, des guerres, des catastrophes naturelles… Après chacune, la vie reprend, mais pas comme avant. Et on voit une hiérarchie des valeurs sociales complètement métamorphosée ». Dans cette même interview, il illustrait son propos par l’épidémie de choléra de 1348 qui avait tué un européen sur deux, raréfiant le nombre de personnes voulant travailler pour entretenir les terres entretenues par des serfs jusqu’ici propriétés des seigneurs. Cette catastrophe a obligé ces derniers à mettre un terme au servage en leur proposant une rétribution.

Et si ces temps de repli sur soi contraints contenaient la promesse d’un renouveau du contrat social, substituant à l’âgisme une forme d’altérité qui permettrait de reconnaître le vieux en chacun de nous ?
Cette mise à l’épreuve du confinement partagée par tous pourrait-elle faire naître un espoir de reconnaissance de la nation envers ce besoin essentiel chez les aînés fragilisés à l’heure où émerge l’idée d’une politique vieillesse inclusive ?

Gageons que la prochaine loi « Grand âge et autonomie » tant attendue profite de ces périodes fécondes et préparons le jour d’après…

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