Synthèse et réflexions d’une nouvelle recommandation de la Haute autorité de santé
Posté le 1 décembre 2014 dans Articles

La gestion des troubles du comportement en EHPAD est une problématique complexe. D’une part, ils sont multiples avec des effets antagonistes et d’autre part, ils sont multifactoriels. L’histoire de la personne, ses habitudes de vie, ses pathologies, ses douleurs, l’environnement matériel et humain sont autant de facteurs menant à un ou des troubles du comportement. Parmi l’ensemble de ceux-ci, nous retrouvons l’apathie.

L’agitation, les troubles du sommeil, les comportements moteurs aberrants (déambulation) engendrent régulièrement une gêne chez les autres résidents et les soignantes en institution et chez les proches à domicile qui obligent souvent les équipes à s’en préoccuper. En revanche, l’apathie est silencieuse…

Dans ce sens, je vous présenterai dans cet article, une réflexion et une synthèse de la recommandation de juillet 2014 « Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : diagnostic et prise en charge de l’apathie » de la haute autorité de santé (HAS). L’ensemble des éléments directement tirés de la recommandation est entre guillemet.

« L’apathie est définie médicalement comme un déficit persistant acquis de la motivation rapporté par le sujet lui-même ou par l’entourage. Cet état contraste avec le niveau antérieur de fonctionnement du sujet ou les standards d’âge et de culture. On distingue 3 composantes dans l’apathie : des manifestations comportementales (diminution des comportements volontaires dirigés vers un but), cognitives et émotionnelles. »

C’est ainsi que ce trouble risque de conduire les soignants et/ou les aidants à de l’indifférence. Ce manque d’intérêt, de motivation et de repli sur soi présentent, cliniquement, une personne calme et très discrète voire « transparente ».
« Certains signes constituent des changements notables (démotivation, activités sociales appauvries, peu de réactions à l’annonce d’événements nouveaux, la personne ne se reconnait pas forcément triste) »
Mais comment observer et rapporter ces « changements notables » de comportement ?

L’équipe pluridisciplinaire a un rôle fondamental dans l’observation de ces changements. La relation privilégiée des soignantes avec les résidents en font des professionnels incontournables. La connaissance de la personne passe par l’observation, l’échange et la communication. C’est à partir de cette relation que le soignant peut exprimer les signes observés et si, ceux-ci reflètent un « changement notable ». La famille peut aussi avoir un rôle prépondérant dans cette analyse puisqu’ils connaissent leur proche depuis de longue date et peuvent ainsi remarquer ses « changements notables ». (cf. échelle décisionnelle en bas de page)

Qu’est-ce qu’un « déficit persistant » ?

La recommandation ne précise pas de durée qui considérait le déficit comme « persistant ». Néanmoins, nous pouvons définir la persistance par quelque chose qui dure au-delà des modifications. Ainsi, nous pourrions considérer qu’un déficit de motivation qui dure plusieurs jours à quelques semaines et que la personne ne répond à aucune sollicitation, est persistant. La personne présente des signes d’apathie.

Combien de résidents par EHPAD présentent ces signes ?

« L’apathie comporte des dimensions comportementales, cognitives et émotionnelles. Il est recommandé de s’appuyer sur les signes d’appel suivants pour son repérage en pratique. Il peut s’agir de plaintes émanant du sujet lui-même ou d’observations de l’entourage.

  • Le sujet apparaît démotivé, il ne prend pas d’initiatives, ne répond plus de manière habituelle et spontanée aux sollicitations de son environnement et de son entourage.
  • Il semble se désintéresser des conversations sur des sujets qui habituellement retiennent son attention.
  • Ses activités sociales s’appauvrissent sans autre raison évidente que la baisse de motivation ; il se désengage des activités quotidiennes.
  • Il semble peu réactif à l’annonce d’événements nouveaux ou importants pour lui ou pour ses proches (perte d’empathie).
  • Il exprime peu voire pas d’émotions concernant des événements positifs ou négatifs.
  • Malgré la présence de ces signes, le sujet ne se reconnaît pas excessivement triste ou déprimé. »

La place des échelles d’évaluation

Il est recommandé d’utiliser un outil non spécifique : le NPI (inventaire neuro-psychiatrique). Il a l’avantage de renseigner le soignant sur d’autres troubles psycho-comportementaux. Néanmoins, il est nécessaire d’offrir aux soignants ou aux proches une sensibilisation à ces outils et ce, en fonction du lieu de vie de la personne.

Les outils appropriés en fonction du lieu de vie :
« A domicile : NPI ou NPI-R, renseigné par le proche aidant ou un professionnel
En établissement : NPI-ES, renseigné par les soignants »
Il est recommandé de faire passer le test une fois par an pour une personne souffrant d’un syndrome démentiel de type Alzheimer.

« Pour un diagnostic approfondi en vue d’une prise en soin personnalisé, un médecin peut entreprendre une démarche avec des outils recherchant des critères plus précis (critères de Robert et al. 2009). »

La communication des informations est un point clé de la réussite de l’accompagnement et de la prise en charge du patient. Ainsi, il semble pertinent d’évoquer en transmission orale ou écrite ces changements de comportement en d’en faire une analyse régulière. La traçabilité de ces informations améliorera la lisibilité et la prévention.

 « Il est recommandé d’appliquer les principes suivants, quel que soit le lieu de vie :
● Un recueil écrit des informations qui doivent être rassemblées dans des fiches ou un dossier pour faciliter leur traçabilité et leur transmission ;
● Il est utile qu’un interlocuteur désigné, éventuellement une personne référente, rassemble ces informations afin de faciliter leur transmission ;
● Les différents professionnels en charge du patient doivent échanger et/ou se rencontrer et participer ensemble à l’adaptation de la prise en charge »

Néanmoins, la recommandation précise que les transmissions d’informations relatives à la personne doivent se faire conformément aux règles de confidentialité (consentement, informations dans l’intérêt de la personne…). « En EHPAD, le médecin coordonnateur et/ou le soignant référent [voire le psychologue] doivent jouer un rôle important de centralisation et de circulation de l’information. »

Techniques de soins et interventions non pharmacologiques
Lorsqu’une personne présente une apathie et comme dans de nombreux cas, il est important d’adopter un comportement empathique. Il semble important que le soignant soit avant tout, un professionnel bienveillant.
« Elles [Les techniques de soins recommandées] reposent sur les attitudes suivantes :
● Recherche des potentialités préservées à solliciter et à valoriser afin d’éviter de le mettre en échec ;
● Stimulations adaptées aux centres d’intérêt et aux capacités du patient ;
● Choix préférentiels d’environnements familiers et rassurants.
● Attitude bienveillante et non stigmatisante envers le patient »
Les interventions non pharmacologiques

 « Il s’agit de thérapies de stimulations cognitives, de réhabilitation psycho-socio-cognitive écologique, d’interventions par évocation du passé, d’activités de groupe liées à la vie quotidienne. D’autres initiatives socioculturelles locales peuvent être proposées pour le patient et/ou son proche aidant : sorties accompagnées à l’extérieur (séjour de vacances, sorties culturelles…). »

Face à ces troubles, les professionnels sont parfois démunis pour solliciter ces personnes. Démotivées, elles répondent souvent négativement aux sollicitations. Un travail sur les envies, les motivations, l’histoire de la personne doit être envisagé pour proposer des accompagnements adaptés. La base de l’accompagnement est la relation. Il semble important de maintenir une relation avec la personne même sur des moments simples (boire un verre, lire un journal, discuter…) et même pour quelques minutes si l’on souhaite tenter d’engager la personne dans un accompagnement thérapeutique.

Interventions pharmacologiques :

« La première étape de l’approche pharmacologique de l’apathie consiste à diminuer et à arrêter, dans la mesure du possible, les médicaments à risque d’effets secondaires favorisant l’apathie.

Les résultats évaluant l’effet des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase et de la mémantine sur l’apathie restent très hétérogènes et n’ont montré qu’une efficacité modeste, sans preuve suffisante. Les antipsychotiques n’ont pas d’efficacité sur l’apathie de la MA et MA. Aucun psychotrope n’est recommandé dans l’indication apathie de la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées. »

 
En EHPAD, la recommandation de l’apathie doit permettre un travail d’évaluation en équipe pour proposer des accompagnements adaptés à ces personnes qui ne font pas de bruit…

Nicolas ROUMAGNE
Directeur ReSanté-Vous-Accompagnement
Ingénieur en réadaptation 
 
 
Arbre décisionnel apathie et maladie d'Alzheimer
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Sources:
Robert P, Onyike CU, Leentjens AFG, Dujardin K, Aalten P, Starkstein S, et al. Proposed diagnostic criteria for apathy in Alzheimer’s disease and other neuropsychiatric disorders. Eur Psychiatry 2009;24(2):98-104.
M.-P. Pancrazi, P. Metais ; Maladie d’Alzheimer, traitement des troubles psychologiques et comportementaux (La Presse Médical, May 2005)
La recommandation complète : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-10/apathie_recommandations.pdf