Le rôle du psychomotricien dans la prévention des risques psychosociaux en EHPAD
Posté le 24 août 2015 dans Articles

Introduction

                Depuis les années 2000 nous entendons de plus en plus parler de Risques Psychosociaux (RPS). Ils sont un enjeu économique (près de 2 à 3 milliard d’euros chaque année à la France) mais aussi de santé publique.     Dans le secteur médico-social, les ergothérapeutes, les professionnels en activités physiques adaptées(APA), les ergonomes ou encore les psychologues cliniciens ou du travail réalisent régulièrement des travaux de prévention avec des actions différentes. L’adaptation des techniques de manutention pour les ergothérapeutes, l’échauffement musculaire et articulaire pour les professionnels APA, l’analyse de pratiques ou l’accompagnement à la réalisation du document unique pour les psychologues mais qu’en est-il du rôle du psychomotricien dans ce cadre de prévention ?

                L’objet de cet article est donc de montrer la place et la pertinence du travail du psychomotricien dans les RPS. Je définirai dans un premier temps les risques psychosociaux avant d’expliciter l’importance du psychomotricien.

1°) Définition des Risques PsychoSociaux (RPS)

                Les RPS sont, selon l’INSERM, «la combinaison d’un grand nombre de variables, à l’intersection des dimensions individuelles, collectives et organisationnelles de l’activité professionnelle. ». Ils sont définis en 4 familles de facteurs :

–    Exigences du travail et son organisation : autonomie dans le travail, degré d’exigence au travail en matière de qualité et de délai de vigilance et concentration requises, injonctions contradictoires

–     Le management et les relations de travail : nature et qualités des relations avec les collègues, les supérieurs, reconnaissance, rémunération, justice organisationnelle

–    La prise en compte des valeurs et attentes des salariés : développement des compétences, équilibre entre vie professionnelle et vie privée, conflits d’éthique

–    Les changements du travail : conception des changements de tout ordre, nouvelles technologies, insécurité de l’emploi, restructurations…

Nous comprenons donc que les RPS sont multifactoriels tout en étant centrés sur la pratique professionnelle avec une atteinte de l’intégrité psychique et/ou physique. Leurs manifestations sont multiples. Les plus décrites sont :

• le stress : selon l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, « l’état de stress  survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ». Cette définition met en exergue les différences de vécues pour une situation identique. En effet, nous sommes tous différents dans la connaissance de nous-même, de notre environnement et de nous dans cet environnement. Dès lors, le stress est ressenti et vécu différemment pour tout à chacun. Faut-il encore avoir un niveau de conscience suffisant pour être au clair avec les évènements vécus.

• les troubles musculo-squelettiques (TMS) : ils recouvrent un large éventail de pathologies touchant les tissus mous à la périphérie des articulations. Ils « résultent d’un déséquilibre entre les capacités fonctionnelles des personnes et les sollicitations qui apparaissent dans un contexte de travail. ». Mal soigné, les TMS peuvent avoir des conséquences graves pour la personne tant dans sa vie professionnelle que dans sa vie privée. Les plus fréquents sont le syndrome du canal carpien, les tendinites, les cervicalgies ou encore les lombalgies.

                Mais nous pouvons également retrouver les troubles du sommeil, la dépression, l’anxiété voire l’angoisse etc. Lors de la présence de l’une de ces manifestations, il s’agit alors de troubles psychosociaux (TPS). En effet, les RPS correspondent à la probabilité qu’un de ces troubles se manifestent.

Nous sommes tous différents face au RPS tant dans l’exposition que dans le vécu. Suite à ces différentes définitions vous vous interrogez peut-être encore sur l’intérêt de la psychomotricité. Que peux apporter ou faire le psychomotricien dans la prévention des RPS/TMS ?

2°) Définition de la psychomotricité

Pour mieux comprendre le lien entre RPS/TPS et la psychomotricité, il est important de bien comprendre cette activité.

La psychomotricité est une approche globale où corps et esprit sont interdépendants. Dès lors, le psychomotricien accompagne et aide les personnes confrontées à des difficultés psychologiques exprimées par le corps par des médiations corporelles. Pour ce faire, le professionnel évalue les capacités psychomotrices et recherche l’origine des problèmes. Les interventions peuvent porter sur le mouvement, l’action, la communication, les émotions et les représentations….. L’objectif est de réconcilier la personne avec son corps, à lui procurer une aisance gestuelle et à lui faire retrouver une sensation de bien-être physique et psychique. En somme à trouver ou retrouver un équilibre psychocorporel.

Précédemment, nous avons vu que les RPS ou TMS engendre une atteinte à l’intégrité corporelle et/ou psychique. De plus, dans les définitions de stress et de TMS il est question de « déséquilibre ». Un « déséquilibre » suppose une mauvaise connaissance ou perception et soi et/ou de son environnement. Or, la psychomotricité est une approche globale, ce qui induit une considération du corps et de la psyché dans son environnement, avec pour objectif atteindre un équilibre. Ainsi, la psychomotricité est à même d’accompagner les soignants à trouver, retrouver ou maintenir un équilibre psycho-corporel afin d’être au mieux pour accompagner et solliciter les personnes suivies.

Il n’existe que très peu d’établissements gériatriques où le psychomotricien soit présent pour les soignants. En premier lieu il est embauché pour accompagner les personnes institutionnalisées. Toutefois, mon expérience m’a montré et me montre encore aujourd’hui que si je ne considère pas le soignant dans ce qu’il est, cela sous-tend que je ne considère pas l’environnement global de la personne âgée. En effet, les soignants participent et contribuent au quotidien des personnes. Ainsi, soignants et personnes âgées, interagissent l’un sur l’autre avec un « rôle » et un « contre rôle » (Michel Billé) en fonction de leurs émotions et la représentation qu’ils ont d’eux-mêmes et de l’autre. La prévention des RPS en tant que psychomotricienne débute par l’accompagnement de la relation soignant/soigné. Mais selon les difficultés vécues et ressenties par le soignant cela peut ne pas être suffisant.

3°) Retour d’expériences : le rôle du psychommotricien dans la prévention des TMS et RPS en EHPAD

                Pour les soignants, s’inscrire dans une démarche de prévention des TMS s’effectue sur trois niveaux :

                – Connaissance et conscience des compétences motrices : Quelles sont les aptitudes que me demandent mon métier ? Comment je peux mettre mon corps en action en le préservant ? Est-ce que je sais écouter mon et comment je le fais ?

                – Connaissance et conscience des compétences émotionnelles : Quelles possibilités m’offre mon lieu de travail ? Comment je gère mes différentes émotions dans l’intérieur de celui-ci ? Qu’est ce qui m’agace et qu’est ce qui m’apaise au travail ?

                – connaissance et conscience des compétences cognitives : Quels sont les techniques et les outils que j’utilise au quotidien ? Sont-ils vraiment adaptés pour moi ? Quels espaces de réflexion et de prise de recul m’offre mon quotidien professionnel ?

                Au quotidien, j’accompagne les équipes à prendre conscience de ces 3 niveaux par différents moyens. Voici une présentation de quelques actions que je réalise auprès des soignantes d’EHPAD :

                – Une observation et une analyse des soins vécus et verbalisés comme « difficiles » suivi d’un temps d’échanges pour accompagner le soignant à comprendre les comportements troublants, les hypothèses et d’éventuelles remédiations (avec au préalable une évaluation psychomotrice de la personne âgée). Ce temps de présence permet d’observer l’organisation individuelle et le niveau de connaissance des différentes compétences.

                – La réalisation de groupes de relaxation et de touchers thérapeutiques afin d’offrir un espace de décharge et de détente. A la fin de séance, un temps de verbalisation est réalisé afin d’accompagner les soignantes à mieux comprendre leur corps dans la détente et le relâchement. Selon la disponibilité psychique des professionnels, des liens sont réalisés avec des approches ou des techniques vus pour des résidents.

                – La réalisation de groupe de jeux de rôles afin de proposer aux soignantes un espace de décharges et de ressources émotionnelles. Un temps de verbalisation est ensuite proposé afin qu’elles prennent conscience de leur propre mécanisme émotionnel.

En somme, la prévention des RPS se réalise au quotidien avec les soignantes. C’est écouter les ressentis, leurs vécus dans un espace temps spécifique et pouvoir leur proposer des pistes de réflexions afin qu’elles puissent se sentir au mieux dans leur environnement de travail. Un suivi individuel permet de travailler davantage sur les TMS et ses conséquences psychomotrices.

Conclusion

                Aujourd’hui, la psychomotricité est peu mise en lien avec cette prévention des risques au travail en EHPAD. Or, il est tout à fait possible de faire des ponts entre le champ de compétences des psychomotriciens au travers des notions de schéma corporel et image du corps ou encore troubles tonico-émotionnels. Il existe sûrement d’autres modalités d’accompagnement que ce que je propose aujourd’hui pour les soignants afin de s’inscrire dans une démarche de prévention RPS. Il serait intéressant de s’interroger avec les directions afin de considérer et potentialiser toutes les contraintes institutionnelles.

Pour penser les risques, il ne suffit pas de travailler avec et pour les salariés mais également de considérer l’organisation global du travail. La qualité du travail est à rapprocher de la qualité de vie au travail. Certes la définition de la qualité de vie est propre à chacun mais nous avons tous des points communs afin de se sentir au mieux dans notre environnement. L’individu doit-il se plier aux contraintes du travail ou le travail s’adapter à l’individu ? Peut-être pourrions-nous trouver un compromis entre ces deux conceptions ?

Myriam POCHART
Psychomotricienne ReSanté-Vous
Formatrice Scenésens

 
 
Sources :
Alis D., Le travail émotionnel des salariés en contact avec le public : Prévenir les risques de dissonance
Calza A., Contant M., (2007), Psychomotricité 3ème édition, Masson
Durand J-P, « Yves Clot, Le Travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux », La nouvelle revue du travail [URL : http://nrt.revues.org/601]
Juhel J-C., (2010), La psychomotricité au service de la personne âgée, Pul
http://www.preventica.com/dossier-risques-psychosociaux-definition.php
http://www.travailler-mieux.gouv.fr/Les-RPS-c-est-quoi.html
http://www.travailler-mieux.gouv.fr/Troubles-musculo-squelettiques-TMS.html
http://www.inrs.fr/risques/psychosociaux/ce-qu-il-faut-retenir.html