L’actu ReSanté-Vous de mars à avril 2025
En mars 2025… En avril 2025…
(article mis à jour le 23 février 2021)
La contention des personnes âgées est de nos jours une problématique récurrente qui pose questions chez tout individu qui y est confronté, qu’il soit professionnel de santé ou non. S’il s’agit toujours d’un sujet d’actualité, la contention est pourtant une pratique millénaire. Étymologiquement, contention vient du latin contentio qui signifie lutte et peut être définie comme l’entrave à la mobilité d’une personne. Dès l’Antiquité, on retrouve des écrits prouvant l’utilisation de mesures physiques destinés aux « maniaques agités » (Celius Aurelien, Vème siècle). Au cours de l’Histoire, la contention fut utilisée à des fins de contrôle et souvent de manière douloureuse chez les « fous ». Il faut attendre la Révolution, et notamment les contributions de Pinel et Esquirol, pour que les malades soient distingués des criminels et soient soignés, mais pour autant ces derniers ne suppriment pas la contention, introduisant même la camisole de force.
Cette forme de contention consiste à l’administration de médicaments dans le but de réduire la libre mobilité de la personne (Dr. Pradines, 2010). Les principales molécules utilisées à ces fins sont des anxiolytiques aux effets myorelaxants et sédatifs (principalement des benzodiazépines) et des neuroleptiques sédatifs (risperidone, tiapride…). La contention chimique présente des risques importants de somnolence, de troubles de la marche avec risques de chutes accrus et d’accidents vasculaires cérébraux (dans le cas des neuroleptiques) (SFGG, 2011).
Cette contention concerne tous les moyens mis en place au niveau de l’environnement physique pour limiter la mobilité de la personne. On y recense par exemple : les fermetures de portes par clés ou via un système électronique par digicode, la présence de clôtures au niveau des espaces extérieurs mais également l’utilisation de montre de géolocalisation ou de systèmes de vidéo-surveillance.
Moins facile à identifier, celle-ci consiste en des injonctions répétées à la personne, par exemple : « Ne sortez pas ! » ou « Ne vous levez pas, vous allez tomber ! ».
Cette dernière, qui se distingue des contentions physiques posturale et active à visée rééducative, est ainsi définie par l’ANAES : « utilisation de tous moyens, méthodes, matériels ou vêtements qui empêchent ou limitent les capacités de mobilisation volontaire de tout ou partie du corps dans le seul but d’obtenir de la sécurité pour une personne âgée qui présente un comportement estimé dangereux ou mal adapté ». Cependant ce terme « passive » peut questionner. Si on le comprend du point de vue de la personne immobilisée, qui subit l’intervention, il est peu adapté du point de vue des soignants, qui mettent en place une action. On pourrait alors plutôt parler de contention active ou réactive (Comité Éthique FBS, 2017).
Ce n’est pas parce qu’un matériau n’est pas vendu en tant que contention qu’il ne peut en constituer une dans certains cas. En effet, le potentiel d’une mesure de contention est en réalité à considérer au regard des capacités motrices, sensorielles et cognitives de la personne. Par exemple, un adaptable à roulettes placé devant le fauteuil d’une personne pourra être facilitant si cette dernière l’utilise pour lire et peut le déplacer à sa guise, mais constituera une entrave à la mobilité d’une autre si elle n’est pas en capacité physique ou cognitive de le pousser pour se lever.
La définition de recherche donnée par Bleijlevens et al., en 2016, suite au travail mené par un groupe de 48 experts (chercheurs et cliniciens) est alors intéressante. « Physical restraint is defined as any action or procedure that prevents a person’s free body movement to a position of choice and/or normal access to his/her body by the use of any method, attached or adjacent to a person’s body that he/she cannot control or remove easily », que l’on peut traduire par « La contention physique est définie comme toute action ou procédure qui empêche une personne de bouger librement vers une position de son choix et/ou d’accéder normalement à son corps par l’utilisation de toute méthode, attachée ou adjacente au corps d’une personne qu’elle ne peut pas contrôler ou retirer facilement ». Ainsi, par exemple, installer une personne dans un fauteuil sans lui laisser son aide technique à la marche à proximité constitue également une forme de contention physique.
Les motifs de mise en place d’une contention physique passive sont le plus souvent le risque de chute, les « troubles du comportement » (à type d’agitation, d’agressivité et de déambulation excessive avec sorties de l’établissement) ainsi que le refus de soins (ANAES, 2000). Or, des études ont montré la non-efficacité de ces techniques avec notamment une augmentation du risque de chutes graves et l’aggravation des états d’agitation ou de confusion pendant et jusqu’à une heure après la contention.
La contention est donc un processus de soins à risques tant sur le plan physique (risques de chutes graves, d’apparition d’un syndrome d’immobilisation, augmentation de la durée d’hospitalisation et de la mortalité…) mais aussi psychologique (angoisse et sentiment de vulnérabilité, vécu traumatique, sentiments de peur et d’humiliation…).
D’autre part, des retentissements négatifs ont été mis en évidence sur les soignants, confrontés à des sentiments d’échec et de culpabilité, et sur la relation soignant/soigné (ANAES, 2000 ; Comité Ethique FBS, 2017). C’est pour cette raison que le recours à une contention physique se doit d’être une décision médicale, éclairée par des évaluations objectives, appuyée par une prescription obligatoire et régulièrement réévaluée en appliquant un programme de surveillance strict. Or, dans la pratique, « la décision de contention se fonde plus sur une impression de la présence d’un risque que sur une évaluation précise de ce risque » (ANAES, 2000, p.12). De plus, les alternatives à la contention sont encore méconnues, et on assiste encore souvent à une cascade d’évènements menant la personne à une perte d’autonomie et d’indépendance considérables.
Nous allons tenter d’illustrer ce point par la présentation d’un cas clinique, certes fictif, mais pour le moins réaliste…
Mme L. a 88 ans. Elle est résidente d’un EHPAD depuis 2 ans et est atteinte d’une Maladie d’Alzheimer à un stade avancé. Elle marche sans aides et se rend aux WC seule
Mme L. est inhabituellement agitée depuis 3 jours et fait preuve d’agressivité envers les soignants lors de la toilette.
Mise en place d’un traitement par neuroleptiques pour apaiser Mme L. et contrôler ses troubles du comportement.
Médecins, IDE : Chercher les causes somatiques curables possibles de l’agitation (douleur, fécalome, globe vésical, iatrogénie, déshydratation…)
Psychologue, IDEC, équipe : Questionner la situation source d’agressivité / analyser la pratique / faire le parallèle avec l’histoire de vie connue
Mme L. est endormie, elle a des difficultés à se déplacer, elle ne pratique plus les activités habituelles.
Pas d’actions menées
Médecins : Réévaluer la prescription médicale aux vues des informations transmises
Mme L. subit une chute grave au cours de son déplacement. Elle est hospitalisée pour des traumatismes multiples à la face avec sutures nécessaires. Elle est gardée une nuit en observation compte tenu des risques de dommages cérébraux. Très agitée, elle est contenue au lit avec une protection urinaire.
Mme L. rentre à l’EHPAD avec des protections. Elle se remet à marcher seule. Le risque de chute est estimé important, ses filles sont anxieuses et exigent que l’équipe prenne des mesures pour éviter de nouvelles chutes.
Installation de Mme L. dans un fauteuil roulant manuel pour limiter ses déplacements.
Ergothérapeute : Évaluer objectivement le risque de chute, mettre en place des actions ciblées sur les facteurs de risques extrinsèques (chaussage, luminosité, obstacles…)
Professionnel en Activités Physiques Adaptées, Psychomotricien : Proposer des activités physiques adaptées pour maintenir voire renforcer les capacités motrices
Psychologue : Entretien avec la famille, échanges sur la notion de prise de risques
Mme L. se lève régulièrement de son fauteuil roulant.
Mise en place d’une ceinture pelvienne pour limiter les risques de chutes
Questionner le besoin éprouvé. Proposer un accompagnement régulier aux toilettes.
Mme L. ne marche plus, elle est devenue incontinente et s’isole dans son mutisme.
Le cas de Mme L. nous a permis d’aborder différentes alternatives possibles à l’utilisation d’une mesure de contention et de mettre l’accent sur l’interdisciplinarité, nécessaire à l’analyse de la situation et primordiale pour tenter d’apporter des réponses à cette dernière.
Maintenant que nous avons mieux cerné les définitions, les motifs de recours et les risques liés à la contention, nous aborderons dans un second article les principales alternatives qui peuvent être envisagées, le processus décisionnel de mise en place d’une mesure de contention, ainsi que les enjeux éthiques qui y sont associés.
Pour en savoir plus sur la contention physique, ses alternatives et la réflexion éthique qui en découle, nous vous invitons à lire notre nouvel article ici ›