Cet article fait suite à un premier écrit présentant la définition de la contention, ses différentes formes et les risques qui y sont associés. Nous vous invitons à le lire ici ›
L’ANAES1, dans son rapport de 2000, a recensé de nombreuses alternatives à mettre en place pour tenter d’éviter la contention. Que l’on soit face à un risque de chutes, à une agitation ou encore à une déambulation qui serait qualifiée d’excessive et dangereuse pour la personne, les différentes alternatives à la contention peuvent être regroupées en 3 grandes catégories : l’approche médicale, l’adaptation de l’environnement et l’accompagnement personnalisé.
L’approche médicale
Cette approche rassemble toutes les investigations et traitements pouvant être mis en place pour répondre à des problématiques d’origine somatique qui pourraient être à l’origine du trouble menant à volonté de contention. Dans le cas d’un risque de chutes par exemple, des explorations sont à mener pour dépister une éventuelle hypotension orthostatique, une iatrogénie, des troubles de la glycémie, des troubles du sommeil, des troubles d’origine cardio-vasculaire… L’évaluation et la correction des déficits sensoriels est également primordiale. Dans le cas d’une agitation ou d’une déambulation, l’examen doit entre autres rechercher la présence d’un phénomène douloureux, d’une déshydratation, d’une iatrogénie, de troubles de l’élimination (globe vésical, fécalome), d’affects anxio-dépressifs, d’une hyperthermie… Cette approche est de la responsabilité du médecin traitant, mais l’équipe soignante dans son ensemble doit être vigilante à ces signes pour les lui communiquer.
L’adaptation de l’environnement
Dans la prévention de chutes itératives, les facteurs de risques de chute extrinsèques seront déterminés et limités au possible (modifications du chaussage, réaménagement des espaces, modification du mobilier et de l’éclairage, positionnement des objets à portée de main et des aides externes à portée de vue…) et du matériel spécifique pourra être mis en place pour limiter le risque de chutes et/ou leur gravité potentielle (aide technique à la marche adaptée, protections corporelles…). Dans le cas d’une agitation, l’attention sera portée sur les stimuli environnementaux, qu’ils soient matériels ou humains, pour tenter d’apaiser la personne et de la canaliser vers des activités porteuses de sens. Enfin, dans le cas de la déambulation, la vigilance sera à porter sur la sécurisation des lieux et les possibilités d’orientations spatiales de la personne. L’adaptation de l’environnement relève de la compétence de l’ergothérapeute.
L’accompagnement de la personne
Cet accompagnement regroupe de très nombreux types d’interventions transdisciplinaires, qu’elles soient relationnelles, rééducatives, réadaptatives ou occupationnelles. Dans tous les cas, il est fondamental de se centrer sur la connaissance que l’on a de la personne. À quel besoin cherche-t-elle à répondre par son comportement ? Quels éléments de son histoire de vie peuvent expliquer ce dernier ? Quelles sont les capacités préservées sur lesquelles nous pouvons nous appuyer ? Quels accompagnements humains pourraient permettre d’éviter le recours à la contention physique ?
Des programmes de réduction de la contention physique
Dans le domaine scientifique, des études sont menées pour évaluer l’efficacité de la mise en place de ce types de programmes. On peut ainsi citer par exemple le programme EXBELT, qui s’est intéressé à la contention physique liée aux risques de chutes, dont les résultats publiés en 2011 ont montré que la mise en place du programme associant : la promotion d’une nouvelle politique institutionnelle, la formation de l’équipe soignante, les « consultations » d’un référent extérieur à l’établissement et la mise en place d’alternatives (protecteurs de hanche, exercices pour l’entretien de l’équilibre, coussins d’assise adaptés…) ont permis de diminuer de 50% la prévalence de la contention physique dans le groupe intervention, en comparaison avec le groupe test, sans augmentation du nombre et de la gravité des chutes ni de l’usage de psychotropes. Des résultats qui ont été confirmés à long terme deux ans plus tard. (Gulpers and al., 2011 et 2013).
Cette conclusion est intéressante, car dans le cadre d’une politique de réduction de la contention physique, il faut être particulièrement vigilant au possible développement d’autres formes de contention, en particulier chimique (Konetzka et al., 2014).
Ainsi, il existe des preuves scientifiques qui attestent de la dangerosité potentielle de la contention, de sa non-efficacité vis-à-vis des motifs de mise en place ainsi que de la réussite de certaines alternatives. Suivant les recommandations de l’ANAES concernant la contention physique de nos aînés, il conviendra donc d’y avoir « recours le moins possible, le mieux possible et le moins longtemps possible » (ANAES, 2000, p. 15). Pour autant, dans certains cas, après épuisement des alternatives possibles et dans la persistance d’un comportement à risque, elle peut se révéler nécessaire. Ainsi, afin d’accompagner la réflexion des équipes confrontées à la question de la contention chez une personne âgées, je vous propose un outil d’aide à la décision que j’ai créé, qui permet d’objectiver la situation observée et de se questionner sur les alternatives possibles aux différentes étapes.
Fiche outil › L’aide à la décision de la mise en place d’une contention physique
Cette fiche vous est proposée gracieusement par les experts de ReSanté-Vous.
Enfin, il est difficile d’aborder le sujet de la contention sans s’attarder sur la réflexion éthique qui l’accompagne. Si l’on assiste souvent à une opposition binaire entre droit à la sécurité et droit à la liberté, nous avons pourtant vu qu’une mesure de contention, mise en place dans le but de protéger un individu, peut entraîner des risques considérables (Forest, M-I., 2013). Par ailleurs, à quelle légitimité peuvent prétendre les soignants en contenant un individu dans le fantasme de l’évitement du risque, alors même que le risque fait partie inhérente de la vie ? Le droit au risque n’est-il pas tout aussi fondamental que le droit à la liberté d’aller et venir ? Et si l’appréciation de ce risque est inhérente à nos capacités de perception, de jugement, et de raisonnement, ces mêmes capacités qui peuvent être altérées par le vieillissement pathologique, alors la réflexion éthique au sujet de la contention doit inclure la reconnaissance de la part d’hétéronomie de la personne. Ceci sera essentiel afin de ne pas placer le soignant dans une position insoluble et insoutenable (Comité Éthique FBS, 2017).
Il est en tout cas intéressant de s’attarder sur le vocable utilisé : contention, contenir, contenant. Être contenant, s’entend en relation de soins comme la mise en place d’un cadre sécurisant et structurant permettant aux personnes de se contenir (Comité Éthique FBS, 2017). Contenir quelqu’un pour qu’il se contienne, tel un récipient contient de l’eau, évitant ainsi qu’elle ne déborde. Étymologiquement, le terme « contenance » vient du latin « cum » (avec) et « tenere » (tenir), qui signifie « tenir ensemble », « maintenir uni ». On y perçoit alors des effets bien différents de ceux générés par la contention physique. Par ailleurs, si on déplore l’utilisation de liens pour maintenir une personne immobile, on ne peut cependant que souligner l’importance du lien social, des liens tissés avec son entourage. La réflexion éthique au sujet de la contention d’une personne ne devrait-elle pas intégrer l’idée qu’il existe de bons liens et une bonne contention, à savoir des liens souhaitables et une contention souhaitable ? « C’est-à-dire que nous invitons les professionnels à remplacer la question : Comment éviter la contention et les liens ? En : Comment bien contenir et établir des liens bénéfiques ? » (Comité Ethique FBS, 2017, 15).
NOTES
1ANAES : Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé. Cette structure de santé publique n’existe plus à part entière, elle a été regroupée, avec d’autres commissions, au sein de la Haute Autorité de santé.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANAES. (Octobre 2000). Évaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé, limiter les risques de la contention physique de la personne âgée
Bleijlevens, M.H.C., Wagner, L. M., Capezuti, E., Hamers, J.P.H.. (Novembre 2016). Physical Restraints : Consensus of a Research Definition Using a Modified Delphi Technique, Journal of American Geriatric Society, 64 (11), 2307-2310
Comité Éthique Fondation Bon Sauveur. (Février 2017). Réflexions éthiques autour de l’usage de la contention chez les personnes âgées, Initiales FBS, 5
Forest, M-I. (Octobre 2013). « Respect des droits de la personne à la liberté, à l’autonomie et à la sécurité : réflexions sur ce « dilemme crucial », La Revue Francophone de Gériatrie et de Gérontologie, 327-329
Gulpers, M., Bleijlevens, M., Ambergen , T. and al. (Novembre 2011). Belt restraint reduction in nursing homes : effects of a multicomponent intervention program, Journal of American Geriatric Society, 59, 11, 2029-2036.
Gulpers, M., Bleijlevens, M., Ambergen , T. and al. (Janvier 2013). Reduction of belt restraint use : long-term effects of the EXBELT intervention, Journal of American Geriatric Society, 61, 1, 107-112.
Konetzka, T., Brauner, D., Shega, J. and Werner, R. (Mars 2014). The Effects of Public Reporting on Physical Restraints and Antipsychotic Use in Nursing Home Residents with Severe Cognitive Impairment, Journal of the American Geriatrics Society, 62, 3,454–461.
Pradines, B. (2010). Un drame encore tabou : les contentions, document disponible sur www.geriatrie-albi.fr
SFGG (2011). Malette Mobiqual « Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées », La contention et la liberté d’aller et venir, diaporama A.14
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