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Le comité éthique de ReSanté‑Vous contribue à renforcer notre positionnement
Posté le 9 octobre 2023 dans Dossiers

Les membres du comité éthique de ReSanté-Vous (de gauche à droite) : Kévin DELOULAY, Référent du Comité éthique, Formateur en gérontologie et Professionnel A.P.A. • Mathilde LUCAS, Référente du Comité éthique et Psychomotricienne • Huguette GRABER, Habitante de l’EHPAD Les Grillons à Nouaillé-Maupertuis • Michel BILLÉ, sociologue • Mélissa HERVAUD, Co-Pilote du comité éthique et Psychologue, Jean-Luc PEFFERKORN, Directeur DAC-PTA de la Vienne • Corinne GUÉRIN, Infirmière coordinatrice à l’EHPAD Les Trois chemins aux Trois Moutiers • Brigitte PARMENTIER, Directrice retraitée de l’EHPAD Les Grillons • Nicolas ROUMAGNE (absent sur la photo), Co-Pilote du Comité éthique et Co-Directeur de ReSanté-Vous.

ReSanté-Vous est et se veut acteur opérationnel et de terrain depuis 2007 en capacité à travailler auprès des personnes âgées et ce, en mobilisant l’ensemble des acteurs de terrain concernés, les soignants, les auxiliaires de vie, les personnels de direction… Loin de viser une simple démarche expérimentale ou exemplaire, ReSanté-Vous vise à transformer les codes et les représentations qui régissent aujourd’hui l’accompagnement des personnes âgées en confinant ces dernières en marge. En ce sens, ReSanté-Vous se veut un acteur en capacité de bousculer les pratiques publiques comme privées travaillant auprès des personnes âgées, en invoquant des enjeux d’intérêt général au bénéfice de ces personnes.

La mise en place de notre comité éthique en 2021 s’inscrit dans cette démarche. En effet, tout en se gardant de jugement vis à vis de nos partenaires, eux même enserrés dans un paradigme classique, qui les oblige. Le travail s’opérera avec eux, et non contre eux. Il s’agit ainsi d’observer des problématiques de terrain qui s’inscrivent dans les préoccupations de ReSanté-Vous, la dialectique liberté / sécurité, le respect du « chez soi » ou le consentement sont autant de grands questionnements qui sont au cœur de nos réflexions. Par exemple, ces trois impératifs invitent alors à repenser les EHPAD et le maintien à domicile en exigeant une nécessaire adaptation, mais aussi et surtout éthique : « On se restreint, de jour en jour, à une technique instrumentale, à un arsenal de dispositifs réglementaires et de procédures normalisées, au détriment d’une perspective éthique du maintien des personnes âgées dans leur cadre de vie et dans leur rôle d’acteur social », nous dit Bernard ENNUYER (2014).

Les conclusions pour les EHPAD sont identiques. Alain VILLEZ nous explique que ces établissements « connaissent aujourd’hui la troisième période de leur adaptation à l’évolution des besoins exprimés par les personnes âgées et leur famille. Après le temps de l’humanisation des hospices, vint le temps de la médicalisation, s’est engagée maintenant celui de la réforme de leur tarification qui doit être également celui de leur refondation éthique » (2007). C’est également là tout le sens du rapport réalisé par Philippe MARTIN et Mélina ÉLOI dans le cadre du projet ADAGIO de l’université de Bordeaux, « Éthique et individualisation de la prise en charge des personnes âgées dépendantes en établissement. Règles, pratiques et représentations » (2016).

Ainsi, l’accueillant, l’aidant ou l’accompagnant, que ce soit en EHPAD ou à domicile, se doit nécessairement d’évoluer dans l’appréhension de son rôle et de son métier, et ce, afin de lui éviter de « sombrer dans une forme de toute puissance conduisant à l’excès de pouvoir et à l’abus de faiblesse » et d’éviter aux institutions de « sombrer dans la gestion rationalisée des corps de vieillards réduits au statut de simples objets de soins » (A. VILLEZ).

Dans le même temps, ReSanté-Vous propose des formes d’intervention spécifiques avec des interventions régulières mais hebdomadaires et ce avec des méthodes d’intervention qui s’appuient sur une philosophie d’accompagnement centrée sur la personne (Carl ROGERS) ou celle de Maria MONTESSORI. Ainsi, nos interventions nous confèrent une posture de conseils ou plutôt de facilitation proposant ainsi de « aider à faire seul ».

C’est cette posture qui nous amène à recueillir des situations éthiques complexes au sein de ce comité. En effet, face à la complexité de l’accompagnement des plus fragiles dans notre société en EHPAD ou à domicile, les réalités de terrain sont multiples et les conflits de valeurs nombreux. L’éthique à ReSanté-Vous part des situations du quotidien qui doit pouvoir se questionner pour savoir s’adapter aux spécificités des situations et des personnes. L’éthique se situe dans une zone de questionnements, d’incertitudes, loin de venir ancrer des réponses figées.

L’équipe comité éthique de ReSanté-Vous (de gauche à droite) : Nicolas ROUMAGNE, Co-Pilote du Comité éthique et Co-Directeur de ReSanté-Vous • Mathilde LUCAS, Référente du Comité éthique et Psychomotricienne • Kévin DELOULAY, Référent du Comité éthique, Formateur en gérontologie et Professionnel A.P.A. • Mélissa HERVAUD, Co-Pilote du Comité éthique et Psychologue

Notre démarche : entretenir la réflexion éthique comme une marque de fabrique de nos accompagnements.

Ainsi, l’intégration de l’éthique dans la manière de concevoir un autre modèle pour les EHPAD ou dans le maintien à domicile nous amène alors sur le terrain de la « solidarité » et de l’« habitant acteur » comme le suggère le think tank Matières grises dans son rapport de 2021, « l’EHPAD du futur commence aujourd’hui ».

Les objectifs sont ainsi les suivants :

  • Éclairer les équipes ReSanté-Vous sur leur positionnement éthique.
  • Affirmer notre positionnement éthique auprès de nos partenaires ;
  • Susciter des démarches éthiques avec nos partenaires ;
  • Ouvrir nos réflexions pour partager les problématiques de terrain tout en conservant la plus grande confidentialité ;

Notre objectif d’intérêt général reste notre guide pour faire évoluer les pratiques. Changer de regard, faciliter les pratiques professionnels, favoriser la santé par l’épanouissement sont autant d’objectifs que nous visons avec nos partenaires. Néanmoins, cette démarche est longue et ne relève malheureusement pas seulement de la volonté des personnes. Le contexte social et sociétal influence profondément les pratiques. Le COVID est un très bon exemple comme le souligne le directeur de l’hôpital de Chinon dans une interview accordée à un journaliste : « À désormais 30 ans, il avait choisi de travailler à l’hôpital public qui correspond « à (s)es valeurs » ». Au fil du temps, il déchante face à ce métier « qui te bouffe », écœuré par les politiques d’austérité. […] « On n’a plus les moyens de faire notre métier. La goutte d’eau aura été le Covid-19. »

C’est par conséquent, dans ce contexte que nous visons l’ambition de toujours percevoir la potentialité des âgés dans la société avant de remarquer leurs failles, leurs problèmes, leurs handicaps. C’est avec cette ambition forte que des conflits éthiques émergent chez nos salariés, nos collaborateurs et nos partenaires. Pour DEJOURS (1998), la souffrance éthique désigne des situations où les opérateurs répondent à une prescription en réalisant de façon explicite des tâches qu’ils considèrent immorales et dont les conséquences sont nocives pour autrui. C’est dans ce sens que nous avons créé un comité éthique interne et ouvert sur l’extérieur.

En appui avec l’ERENA du CHU de Poitiers, nous avons souhaité créer un comité éthique intégrant d’une part des acteurs spécialistes de cette réflexion, comme le sociologue Michel BILLÉ, et d’autre part des acteurs de terrain, comme une aide-soignante, une résidente d’EHPAD, des professionnels de ReSanté-Vous, un directeur de DAC et une directrice d’EHPAD.

Après 2 ans de fonctionnement, nous souhaitions vous partager quelques réflexions que nous avons déjà menées pour renforcer notre propre positionnement éthique.

Exemple 1 : L’alternative à la contention

Partageons ici, la situation vécue par une collègue dans une structure où elle observe des pratiques qui la questionne sur le recours aux contentions. En effet, au cours de sa mission d’accompagnement en ergothérapie, elle observe chaque semaine la mise en place de nouvelles contentions sans percevoir de réflexion en amont. Cherchant à comprendre ces pratiques avec l’équipe, elle se retrouve face à un collectif qu’elle décrit comme fermé, laissant peu de place à la réflexion sur ce sujet, en mettant en avant la sécurité.

Devant ce positionnement qu’elle vit comme peu collaboratif voire clairement défensif, elle ferme les yeux sur ses questionnements, par peur du conflit et de l’isolement face au groupe, malgré les tensions que cela suscite chez elle.

Notre réflexion s’est d’abord attachée à analyser la situation, ses causes, le contexte. Nous nous sommes questionnés sur la notion de responsabilité face au risque. L’utilisation de la contention est souvent liée à l’idée d’éviter une chute, perçue comme précipitant la perte d’autonomie. Mais peut-on s’interroger sur le risque de mettre cette contention ? La privation de liberté n’a-t-elle pas un impact sur l’autonomie ? Ne risque-t-elle pas de précipiter la mort ?

Selon l’ANAES (2000) et le comité éthique de la Fondation Bon Sauveur (FBS, 2017), des retentissements négatifs ont été mis en évidence sur les soignants, confrontés à des sentiments d’échec et de culpabilité, et sur la relation soignant/soigné. Dans ce sens, il semble important que le recours à une contention physique se doit d’être une décision médicale, éclairée par des évaluations objectives, appuyée par une prescription obligatoire et régulièrement réévaluée en appliquant un programme de surveillance stricte.

Or, dans la pratique, « la décision de contention se fonde plus sur une impression de la présence d’un risque que sur une évaluation précise de ce risque » (ANAES, 2000, p.12). De plus, les alternatives à la contention sont encore méconnues, et on assiste encore souvent à une cascade d’évènements menant la personne à une perte d’autonomie et d’indépendance. Un travail d’équipe et spécifique sur les alternatives apparaît ici comme nécessaire pour l’habitante âgée comme le personnel et le professionnel de ReSanté-Vous.

L’autre idée traitée ici, a été la question de la communication et de la culture du débat. Comment j’exprime un désaccord, une opinion différente sans être jugeant ou désobligeant ? Et, a contrario, comment je reçois une opinion différente de la mienne sans me sentir mis en faute ou accusé ?  Entendre des pratiques différentes, essayer de les comprendre et pouvoir exprimer nos idées pour amener un autre regard, est l’une des composantes majeures de la coopération.

Développer des relations interpersonnelles, positives est une nécessité dans une vie professionnelle où le travail en équipe est de plus en plus sollicité. C’est une compétence managériale d’une part : en effet, le rôle du manager est de créer un climat d’expression favorable à chaque membre de son équipe à la fois celles et ceux qui sont à l’aise et celles et ceux qui le sont moins.

Néanmoins, il serait réducteur d’attribuer cette compétence au seul manager. Soizic JULLIEN et Marie-Laure LAHOUSTE-LANGLÈS soulignent dans leur article « Améliorer la relation d’équipe » (2019) l’importance de la capacité de l’individu à développer des relations constructives est essentielle. « une fois qu’il se connaÎt mieux lui-même et dans sa relation aux autres, il est plus facile d’aller vers autrui ».

Exemple 2 : Le choix de ne rien faire

Exemple d’une autre situation ayant alimenté nos réflexions : suite à une discussion en interne à Resanté-Vous, des thérapeutes perçoivent une réelle difficulté pour mettre en activité des personnes âgées en EHPAD. Certains habitants expriment leur souhait de rester seul(e) dans leur chambre ou leur volonté d’être « tranquille » sans que personne ne les « visite » chez eux.

Dans cette situation, la tension éthique intervient, lorsqu’une partie des personnes en présence, exprime une volonté de respecter le choix de la personne à se retirer de la vie. Cette remarque est entendue par leur collègue comme « si une personne n’a plus envie de rien, voire n’a plus envie de vivre et souhaite se laisser mourir alors il faut respecter son choix » et donc ne pas intervenir. Le frein majeur repéré est la motivation, l’envie de se mobiliser, et parfois même le goût pour la vie des personnes accompagnées.

Nous avons ici analysé la question de choix et les conditions qui permettent de penser à une décision éclairée et non un choix par défaut, face à une situation où la personne seule n’a plus les ressources. Le contexte d’un refus est toujours à questionner.

Choisir, c’est exercer son jugement, user de son goût, pour adopter quelque chose de préférence à quelque chose d’autre. À partir de cette définition, faire un choix signifie avoir la possibilité d’aller vers une option, par envie et non par obligation ou contrainte. Nous rencontrons fréquemment en EHPAD des syndromes dépressifs dont l’expression des symptômes peut-être la difficulté de décision associée à la perte d’élan vital. Dans ce contexte, un refus d’accompagnement est-il réellement un choix ou simplement l’expression de la maladie ? Quand la perte d’élan vital ne permet plus de mobiliser des ressources, les décisions sont-elles réellement éclairées ?

Force est de constater que de nombreux comportements induits par la pathologie dépressive sont subis par le patient. Le refus de participer à une activité, de sortir de la chambre, ou de continuer à vivre peut-être vu comme l’expression de l’autonomie, de la liberté mais doit faire l’objet d’une analyse pluridisciplinaire de la situation afin d’évaluer l’influence d’une pathologie qui elle-même bride ou biaise la prise de décision.

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