Comment rendre accessible une activité en « unité protégée » ?
Posté le 10 décembre 2019 dans Articles


Comment rendre accessible
une activité en « unité protégée » ?
Retour d’expérience à l’EHPAD LNA Santé Villa Amélie – St Rogatien (17)

Le point de départ

Nous sommes partis d’un premier constat : le matin, les soignants ont peu ou pas de temps pour la mise en place d’activités. Néanmoins il était nécessaire pour certains résidents de pouvoir s’occuper, fouiller, chercher, manipuler en toute autonomie.

Tout était si bien rangé que plus rien n’était à la disposition des résidents. Seuls quelques magazines sur les tables pouvaient être manipulés facilement. La première idée qui a émergé, a été de mettre à disposition un meuble accessible dans lequel chaque personne peut chercher et trouver un objet ou un jeu qui lui convienne.

Après un temps d’échanges avec les soignants autour des bienfaits des matières, objets en libre accès, le projet du meuble de fouille a pu commencer à être pensé en équipe et avec les résidents.

L’intérêt d’un meuble de fouille

À leur arrivée en EHPAD, les personnes souffrant de troubles cognitifs ont perdu différents éléments de leur vie : leurs habitudes de vie, leurs objets, souvenirs… Pour certaines d’entre elles, leur chambre est dépourvue de bibelots, photos, tableaux personnels… Ainsi elles peuvent être en recherche de leurs objets, de leurs souvenirs… Comme un lien avec leur passé.

Atteintes de désorientation temporo-spatiale, elles ne savent pas où elles sont et n’ont aucun repère dans ce nouveau lieu collectif qui ne ressemble en rien à leur maison. Dès lors, elles peuvent passer leur journée à chercher, à amasser des objets, à déplacer… en quête de repères. Elles vont pour cela dans les différentes chambres ne reconnaissant pas la leur et « fouille », manipule les affaires des autres résidents.

Le meuble de fouille permet d’apporter à la personne des repères sur son passé et sur ses anciennes habitudes de vie, activités. Il permet aussi que l’unité protégée ressemble davantage à un lieu de vie, à une maison où il y a de la vie, des affaires qui trainent susceptibles d’être rangées, classées ou juste visibles pour attirer.

Les différentes matières, objets du meuble permettent de susciter l’intérêt de la personne, de solliciter ses fonctions cognitives par la résurgence de souvenirs, de la maintenir en éveil, de l’apaiser… Toutes matières peuvent avoir des apports pour la personne : le velours, la soie peuvent rassurer… Les balles à picots maintiennent une sensibilité tactile et une sollicitation sensorielle.

Chaque personne de par son passé, sa personnalité peut réagir de manière différente face à une matière, c’est pourquoi il est indispensable de co-construire la mise en place de ce type de meuble et son usage avec les habitants.

Impliquer les personnes dans un projet significatif

Ce meuble n’a pas été acheté mais entièrement rénové et customisé par les habitants de l’unité. Ils ont été dans un magasin de bricolage pour acheter de nouvelles poignées, ont choisi les différents papiers, la peinture… Ils ont par la suite, peint, collé, vissé… et remplis l’intégralité des tiroirs. Ce meuble est le leur ! Ainsi il était primordial pour nous de les investir dans la confection de celui-ci et dans sa mise en place afin qu’ils puissent se l’approprier entièrement par la suite.

Il est désormais au cœur de l’unité, il est placé contre un mur où le passage des résidents est fréquent. Les tiroirs sont décorés, de différentes couleurs et motifs afin de solliciter leur curiosité et leur motivation à venir « fouiller » à l’intérieur.

Nous laissons encore certains tiroirs ouverts pour leur permette visuellement de s’approcher et de regarder ce qu’il y ‘a dedans. Le choix des matières et des objets a été fait à la suite de temps d’échanges avec les résidents afin de véritablement connaitre leurs goûts, leurs envies, dans l’objectif d’adapter au mieux le contenu du meuble pour qu’il ait du sens pour eux et qu’il fasse échos à leur passé.

Ce meuble est composé de poupées régionales, de cartes anciennes, de pulls à détricoter, de pelotes de laine, de balles à picots, de magazines, de revues de contemplation (images choisies par les résidents, répertoriées dans un porte vue), de paires de chaussettes pour qu’ils puissent les rassembler par paires, d’un sac cousu et fabriqué par les résidents contenant des tissus leur rappelant des souvenirs, …

Le meuble et le quotidien des résidents

Une fois le meuble installé dans l’unité, il a fallu accompagner les résidents à découvrir ce dernier, d’ouvrir les tiroirs avec eux, de les aider à s’approprier ce nouveau meuble qui fait désormais parti de leur quotidien et de leur habitat. À l’heure actuelle, certains résidents y vont spontanément et fouillent dans les différents tiroirs, ils y prennent des objets et en déposent d’autres… Pour d’autres, il faut encore les accompagner pour que cela rentre doucement dans leur habitude et devienne ainsi un automatisme.

Après plusieurs semaines, nous nous sommes aperçus des apports de ce meuble : Il permet à certains résidents en démarche de « manipulation », de se concentrer sur le meuble au lieu d’aller « fouiller » dans les autres chambres. Il consent aussi de diminuer l’ennui et le sentiment d’inutilité que certaines personnes pouvaient ressentir car elles peuvent désormais s’occuper à trier, classer, ranger à leur convenance. Il a pour vocation aussi de pouvoir diminuer les angoisses de manière assez rapide : Mme B était particulièrement anxieuse un matin, elle pouvait se montrer agressive envers les autres résidents. La communication verbale n’arrivant pas à la rassurer, nous l’avons accompagné au meuble et avons ouvert le tiroir des poupées régionales. Elle est restée tout un moment assise devant à les toucher, les caresser, à échanger autour de leurs vêtements, coiffures… Ce qui faisait directement échos à son passé, à ses souvenirs de famille. Ce moment de « fouille » a répondu très rapidement à un besoin qu’elle exprimait, le besoin de se sentir rassurée, le besoin d’être rattachée à son passé et d’en discuter.

Ce meuble, appelé familièrement « meuble de fouille », est avant tout présent pour permettre aux résidents d’être libres de manipuler, de toucher selon leurs envies. Il sollicite aussi les fonctions cognitives et sensorielles des personnes par la réminiscence liéé aux objets et matières. L’appropriation de ce meuble est liée à son design non aseptisé qui rappelle un meuble que l’on peut avoir à la maison ce qui invite plus spontanément les personnes à en faire l’usage.

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