L'adaptation du logement à la perte d'autonomie : deux pistes à développer
Posté le 27 février 2015 dans
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62 % des 450 000 chutes enregistrées chaque année surviennent à domicile. Sont-elles liées au logement ? La chute de la personne âgée est multifactorielle liée au vieillissement normal, pathologique et de nombreux facteurs environnementaux. En effet, le logement est un facteur de risque. La cuisine, le jardin, les escaliers, les tapis, les meubles sont autant de risques potentiels lorsqu’ils ne sont pas adaptés aux handicaps liés à l’âge. Aujourd’hui, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) évalue à 6% le nombre de logements adaptés à l’avancée en âge et à deux millions le nombre de logements qui auraient besoin d’être adaptés du fait de l’avancée en âge de leurs occupants [1]. Qu’en sera-t-il dans 10 ans ? Les problématiques sont nombreuses : Notre population vieillit, nos logements aussi et les personnes souhaitent rester le plus longtemps à domicile en bonne santé. Si nous souhaitons soutenir les personnes à leur domicile, une des réponses doit être l’adaptation de leur logement. Mais adapter quoi ? Peut-on adapter un logement à LA personne âgée ? N’existe-t-il pas autant de vieillissement qu’il y a de personnes ? Il me parait important de différencier deux actions différentes pour adapter les logements aux personnes âgées en France. Ainsi, nous présenterons dans et article le rôle prépondérant que doit avoir les aides à domicile d’une part et l’importance des missions d’ergothérapeute en tant que conseil à l’aménagement.
Tout d’abord, les personnes à domicile bénéficient de nombreux services en fonction de leur dépendance, des aides-soignants pour l’aide à la toilette, des auxiliaires de vie pour se promener par exemple. Ces professionnels sont des accompagnateurs de proximité et au cœur de la relation avec la personne. Elles entretiennent des relations de confiance pour les accompagner dans leur mode de vie. Il serait donc pertinent de former ces professionnels à une analyse générique permettant de repérer le risque potentiel. Ces aides à domicile auraient un rôle de conseils : conseils pour un aménagement simple (retirer un fil électrique traversant…), conseils pour mettre en relation la personne avec un spécialiste (appeler Mme G., ergothérapeute pour la réalisation d’une évaluation), conseils pour donner les coordonnées d’un artisan agréé « handibat » par exemple. Par cette sensibilisation et cette formation, l’aide à domicile trouverait un rôle de mise en relation en fonction du besoin de la personne âgée.
En second lieu, certaines entreprises d’habitation proposent des logements tout « adapté ». En effet, le vieillissement normal entraine des problématiques physiques ; diminution de l’amplitude articulaire, perte de force musculaire (sarcopénie), réduction de l’adaptation à l’effort, diminution de la souplesse… des « normes » de vieillissement. Il s’agit par conséquent de rendre plus accessible les meubles hauts de la cuisine, de sécuriser les déplacements dans la salle de bain par exemple… Néanmoins, si Mme P. a fait un accident vasculaire gauche, il y a 3 mois, que Mme P. a une hémiplégie droite et a des difficultés d’expression orale. Le logement de Mme P. a désormais besoin d’une adaptation personnalisée pour faciliter sa communication avec l’extérieur et sa nouvelle coordination dans sa maison. Dans ce cas, l’intervention d’un ergothérapeute parait évidente. L’objectif de l’ergothérapie est de « maintenir, de restaurer et de permettre les activités humaines de manière sécurisée, autonome et efficace, et de prévenir, réduire ou supprimer les situations de handicap pour les personnes, en tenant compte de leurs habitudes de vie et de leur environnement ». [2]
Grâce à ses 3ans d’études validées par un Diplôme d’Etat, ce professionnel de santé est capable d’évaluer les capacités de la personne et d’analyser ses handicaps éventuels. Aussi, l’ergothérapeute étudie de manière experte l’accessibilité du logement en prenant en compte les déficiences et les incapacités de la personne qui y vit, mais aussi son projet de vie. Il propose alors des conseils, des aménagements et des adaptations afin de faciliter l’accomplissement des activités de la vie quotidienne, de sécuriser la personne dans son domicile et de favoriser sa qualité de vie.
Pour réaliser son diagnostic, l’ergothérapeute va dans un premier temps recueillir les besoins de la personne, évaluer ses capacités fonctionnelles et apprendre à connaître ses habitudes afin de réaliser un projet respectueux de ses modes de vie. Ensuite il analysera l’habitation, en s’attardant sur les pièces nécessaires à l’accomplissement des gestes de la vie quotidienne et qui sont signifiantes pour la personne. Il devra ainsi mettre en relation ces deux analyses pour proposer des recommandations idoines. La personne peut avoir des réticentes à la venue d’un ergothérapeute dans son logement. Va-t-il me changer mes meubles de place ou retirer des objets sentimentaux ? Qui va payer tous les travaux s’il m’en demande ? Va-t-il me recommander d’aller en maison de retraite pour sécuriser mes déplacements ? L’analyse doit être respectueuse des choix de la personne. Il s’agit pour l’ergothérapeute de s’adapter à chaque personne.
Pour limiter les risques de chutes et d’incidents multiples, les préconisations porteront à la fois sur une modification des habitudes de vie de la personne, des conseils en compensations gestuelles et acquisition d’aides techniques, mais aussi sur une proposition éventuelle d’adaptation du logement en intervenant sur le bâti. Si l’ergothérapeute recommande des achats d’aides techniques, il conseillera la personne autour des possibilités d’aides au financement (sécurité sociale et modalités de prises en charge). Les caisses de retraite et le conseil général proposent également des aides financières. Quant aux travaux sur le bâti, ils peuvent être financés en partie (sous conditions de ressources) par l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat (ANAH) : il est d’ailleurs nécessaire de fournir un diagnostic ergothérapique pour obtenir ce type d’aide.
Pour conclure et dans une perspective d’adaptation des logements à la personne âgée, il semble nécessaire de proposer une double action : d’une part, de former les professionnels de proximité au repérage des risques et de missionner des ergothérapeutes pour des conseils spécifiques en aménagement.
La loi sur l’adaptation de la société au vieillissement apportera-t-elle une nouvelle dynamique pour travailler sur ces problématiques ?
Nicolas ROUMAGNE
Ingénieur en réadaptation
Directeur ReSanté-Vous
Maryline CARIO
Ergothérapeute ReSanté-Vous
Source
[1] Rapport ANAH / CNAV – adaptation des logements pour l’autonomie des personnes âgées » 2013).
[2] Arrêté du 5 juillet 2010, référentiel métier d’ergothérapeute