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la politique de prévention des départements à l’épreuve de la COVID 19
  • Nicolas LEMPEREUR Directeur Autonomie au Département des Pyrénées Atlantiques
Posté le 15 décembre 2020 dans Regards extérieurs

Interview de Nicolas LEMPEREUR

Guy LE CHARPENTIER : Bonjour Nicolas LEMPEREUR, vous êtes directeur de l’autonomie dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Votre département relativement épargné pendant la première vague, a été plus sévèrement touché lors de la seconde et je présume qu’elle a dû vous donner du fil à retordre ces derniers mois. Concrètement quel impact, conséquent aux confinements et aux mesures barrières, avez-vous observé auprès des plus de 60 ans sur votre territoire ?

Nicolas LEMPEREUR : La première vague de l’épidémie et son confinement ont suscité beaucoup d’inquiétude chez les plus âgés. Un nombre non négligeable d’entre eux a par exemple décidé de sa propre initiative de suspendre des interventions à domicile par crainte de la diffusion du virus. Le manque de connaissance du virus et la crainte de sa propagation nous a amené à adapter nous-mêmes nos propres interventions en limitant les visites à domicile dans le cadre de nos évaluations et en modifiant nos procédures d’accès aux droits.
Le second confinement est un peu différent car on note une plus grande « appropriation » du contexte épidémique, une plus grande habitude des gestes barrière et donc une meilleure acceptation des contraintes. L’inquiétude des personnes âgées vivant à domicile reste grande car elles se savent les plus vulnérables par rapport à cette maladie mais la capacité d’adaptation de ces mêmes personnes et de leur entourage a été notable entre mars et aujourd’hui.
Pour autant, au printemps comme cet automne, nous identifions une hausse du risque d’isolement liée à la limitation importante des contacts. Isolement qui on le sait, accentue ou accélère potentiellement la perte d’autonomie.


GLC : Vous qui avez pour rôle d’impulser et de coordonner des actions de prévention de la perte d’autonomie sur votre territoire. Quel impact cette crise a-t-elle eu sur cette démarche ?

NL : Il a fallu s’adapter en plusieurs étapes. En premier lieu, nous avons immédiatement suspendu à la mi-mars les actions collectives de prévention pour prévenir tout risque de contamination de groupe.
Rapidement des réflexions ont été engagées pour identifier les aménagements possibles des interventions afin de répondre aux besoins malgré les nouvelles contraintes strictes qui s’imposaient.  Très vite, des idées ont été proposées par les opérateurs eux-mêmes pour réinventer des interventions beaucoup plus axées sur le lien social. Des actions innovantes ont été imaginées en recourant largement aux outils numériques afin de garder « le lien » avec les personnes (suivi téléphonique ou visio de « convivialité » auprès des séniors, réalisation de séances d’activité physique adaptée en distanciel, envoi de programmes d’exercices à réaliser la maison, etc….).
À cet effet, nous avons également beaucoup échangé avec le CNSA sur les modalités d’adaptation des actions de prévention, ce qui a été très utile pour le repérage et le partage d’initiatives développées sur d’autres territoires.


GLC : Pensez-vous que la lutte contre le covid va dans les mois à venir impacter négativement les politiques de prévention de la perte d’autonomie ?

NL : La pandémie a forcément eu un impact négatif au départ car nous nous sommes tous retrouvés dans une situation inattendue à laquelle nous ne savions pas comment répondre et qui a conduit, comme je l’indiquais dans un premier temps, à suspendre les actions de prévention par souci évident de précaution.
Mais très rapidement elle a provoqué dans tous les domaines d’intervention des politiques publiques et donc en particulier en matière d’actions de prévention, la recherche de solutions innovantes, la construction de nouvelles modalités d’actions, que nous n’aurions sans doute jamais envisagé aussi rapidement si nous n’y avions pas été poussés.
Bien entendu, si la crise devait s’installer durablement encore avec des limitations de contact qui restent très importantes, cela nuirait sans doute à la qualité et à l’efficacité des actions de prévention, ne serait-ce que parce que le contact humain direct est un vecteur d’autonomie irremplaçable. Mais cette crise a permis de réinventer des façons de maintenir ce lien social et de le faire vivre. Au final, l’adaptation à cette crise aura été enrichissante et aura permis de développer et de diversifier nos modes d’actions et de réponses pour l’avenir.


GLC : Comment allez-vous adapter vos politiques de prévention dans un tel contexte ?

NL : Nous allons poursuivre nos plans d’actions auprès des personnes âgées en cohérence avec un cadre réglementaire qui évolue au fur et à mesure des mois (recommandations nationales, orientations de la CNSA…). Nous avons d’ores et déjà renforcé le soutien technique régulier auprès des opérateurs pour qu’ils puissent intervenir dans des conditions adaptées. Nous allons enfin davantage prioriser le déploiement d’actions sur la lutte contre l’isolement, le maintien du lien social, la prévention des risques psychologiques ou dépressifs dans l’élaboration de nos objectifs d’intervention.
En lien avec les partenaires du territoire (CCAS, centres sociaux, associations) nous souhaitons également poursuivre et soutenir plus activement le développement du bénévolat par la formation mais aussi par la promotion d’outils comme la réserve civique.
D’une façon plus générale, ce contexte de crise nous conduit à revisiter la conduite de notre politique avec une réflexion sur la prévention élargie à plusieurs domaines : accès aux droits, simplification des démarches, soutien aux aidants, lutte contre la fracture numérique, outils techniques favorisant le maintien à domicile, lutte contre l’isolement, promotion de solutions d’habitat partagé, etc.


GLC : Un grand merci à vous Nicolas Lempereur pour nous avoir consacré du temps pour ce témoignage en cette période chargée.

NL : Je reste à votre disposition et vous remercie à nouveau pour cette sollicitation.