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Interview de Clément BOXEBELD
  • Clément BOXEBELD Co-auteur du livre «Oldyssey, un tour du monde de la vieillesse»
Posté le 10 novembre 2020 dans Regards extérieurs

Nicolas ROUMAGNE : Bonjour Clément BOXEBELD. ReSanté-Vous vous a proposé d’animer les 3 émissions en WebTV de notre colloque 2020. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Clément BOXEBELD : Je m’appelle Clément Boxebeld, j’ai 30 ans et j’ai co-fondé en 2017 avec Julia Mourri le projet média pour donner la parole aux vieux du monde entier et montrer les initiatives inspirantes pour rapprocher les générations.
Depuis, nous avons produit une centaine de vidéos en France et dans le monde, des portraits qui changent le regard sur la vieillesse et des reportages sur des initiatives pionnières, à suivre sur www.oldyssey.org ou la page Facebook « Oldyssey » . Nous avons aussi écrit un livre, reparu en poche en octobre dernier sous le titre « Vieillir Ensemble, un tour du monde des solutions qui rassemblent les générations. »


NR : Cette série comporte donc 3 émissions sur le thème des « approches humaines et technologiques : un futur composé ? », quel lien faites-vous entre ce thème et votre activité avec Oldyssey ?

CB : Dans son livre « La Vieillesse », Simone de Beauvoir dénonçait déjà en 1970 ces « mythes » qui « incitent l’adulte à voir dans le vieillard non pas son semblable mais un autre. Il est le Sage vénérable qui domine de très haut ce monde terrestre. Il est un vieux fou qui radote et extravague. Qu’on le situe au-dessus ou en dessous de notre espèce, en tout cas on l’en exile. ».
Aujourd’hui encore, le regard qu’on porte sur les plus âgés est trop souvent déshumanisant. Parfois par déformation professionnelle, on a tendance à réduire ces personnes à une seule dimension. Selon notre prisme d’activité, on va plutôt les considérer seulement comme des personnes dépendantes, ou des consommateurs, seulement comme un poids économique ou une statistique. Cette vision réductrice comporte le risque de les condamner prématurément à ce déclin annoncé et cette dépendance.

Dans le monde toujours plus connecté et numérisé dans lequel nous vivons, le risque est d’autant plus grand. Les approches technologiques, quand elles sont mal pensées, peuvent amplifier et généraliser ces stéréotypes délétères. Changer notre regard sur la vieillesse, avec une approche plus humaine, devient d’autant plus essentiel.
En donnant la parole aux vieux du monde entier avec Oldyssey, on s’était justement donné comme mission de donner toute sa place à la personne humaine derrière la personne « âgée » ; en montrant la pluralité des vieillesses, la diversité des possibles à tout âge, la richesse de leurs désirs et aspirations. Nous avons aussi souhaité mettre en avant des projets concrets qui les valorisent comme des êtres humains à part entière, leur donnent une place dans la société au même titre que les autres générations. Entre autres, nous avons évidemment exploré des approches technologiques plus humaines car elles font aussi partie de la solution.


NR : 14 experts ont donc animé les débats autour de ce thème, à la fois scientifiques, auteurs, représentants politiques et experts de terrain, qu’est-ce que vous retenez de la dynamique des acteurs et de leurs visions ?

CB : On vit dans un monde où les disciplines et donc les experts se spécialisent de plus en plus. Pour garder une approche humaine, il est essentiel que ces experts se parlent, se coordonnent, travaillent ensemble en incluant les personnes âgées elle-même. Je pense que les échanges de ces différentes tables rondes ont montré la richesse que peuvent apporter ces regards différents et complémentaires quand ils s’articulent dans un débat. On gagne en nuance, en justesse.

La diversité des intervenants nous a aussi permis des allers-retours entre la théorie et la pratique. Ces échanges sont inspirants pour l’action quotidienne des acteurs de terrains et ils soulignent aussi de nouveaux champs d’exploration pour les scientifiques. Trop souvent on se cantonne à des principes vagues – « repartir des besoins des usagers », « construire avec et pas seulement pour les plus âgés » – ou des recommandations de rapports qui restent lettre morte. C’est une autre paire de manche quand il s’agit de mettre ces principes et recommandations en pratique. La finesse du regard des scientifiques couplée au témoignage d’acteurs du terrain donne plus de matière pour y parvenir.


NR : Comment pensez-vous que les chemins entre ReSanté-Vous et Oldyssey pourraient de nouveau se croiser ?

CB : On partage la même vision et les mêmes valeurs. En couplant l’expertise terrain de Resanté-vous et l’expertise média d’Oldyssey, on pourrait imaginer des activités qui ont du sens en valorisant la parole des personnes âgées accompagnées par Resanté-vous, et donner aussi plus d’impact aux bonnes pratiques portées par Resanté-vous pour qu’elles se diffusent sur tout le territoire. On espère trouver les moyens pour le faire.