Dossier ›
Faire vivre la complexité : vers une approche mixte de nos interventions
  • Benjamin LE FUSTEC Chargé de Recherche et Innovation, Doctorant en Sciences de Gestion
Posté le 25 mai 2021 dans Dossiers

« Je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus de connaître le tout sans connaître les parties… » Blaise Pascal.

Cette citation de Blaise Pascal illustre bien l’ampleur de la tâche quand il s’agit d’aborder le sujet de la complexité. Il est question de connaissance, d’information et de savoir. Dans le cadre de cet article, nous plaçons ce concept de complexité au centre de la réflexion qui nous a permis de concevoir une nouvelle articulation de nos manières d’intervenir avec nos partenaires et clients.

Au fur et à mesure des années, pour agir au cœur des systèmes d’accompagnement des personnes âgées, nous avons développé quatre activités clés dont l’intérêt est de répondre aux besoins d’épanouissement et de bien-être des personnes âgées et des professionnels qui les accompagnent en établissement ou à domicile. Chacune de ces activités répond à un besoin particulier.

Un besoin autour des pratiques pour les professionnels. Avec la formation nous agissons de manière très ponctuelle pour actualiser, transmettre et transférer des connaissances et des pratiques visant la montée en compétences du personnel dans le but de favoriser le bien-être des personnes âgées.

Un besoin autour de l’organisation. Avec le conseil, nous agissons sur plusieurs jours consécutifs ou répartis sur une durée courte à moyenne pour faire évoluer des aspects de l’accompagnement tant au niveau organisationnel qu’au niveau du prendre soin.

Un besoin autour de la réadaptation. Avec l’accompagnement, nous agissons pour répondre à des problématiques de terrain dans un but clinique. La prévention de la douleur, des troubles psycho-comportementaux, la chute ou même la mise en œuvre d’activités porteuse de sens sont autant de réponses auxquelles nos professionnels de santé (ergothérapeute, APA, psychologue…) tentent de répondre chaque jour. Pour une durée à moyen et long terme, les conventions d’accompagnement sont signées pour intervenir en profondeur sur les écosystèmes et faire évoluer les pratiques.

Un besoin autour de l’innovation. Avec notre activité de recherche et développement nous agissons de deux manières :

  • En filtrant et en expérimentant avec nos partenaires l’usage des innovations sociales et/ou technologiques utiles à contribuer à répondre aux trois besoins précédents ;
  • En créant de toutes pièces ces innovations et les diffuser.

Plusieurs limites sont malheureusement relevées sur ces activités :

  • Pour la formation : la limite est posée par son format très ponctuel : nous avons peu de prise et de vision sur les changements qu’elle permettrait de provoquer au-delà de l’effet d’inspiration et d’engouement suscité sur le moment.
  • Pour le conseil : même si notre vision et notre impact sur le changement est plus important que sur la formation, grâce notamment à une durée plus longue, le conseil est loin d’être suffisant et a besoin d’être soutenu par les acteurs de l’organisation dont la volonté au long cours est celle d’opérer une transformation sinon un changement.
  • Pour l’accompagnement : la limite que nous percevons réside dans le fait que le lien avec la formation et le conseil ne sont que très peu réalisés. C’est-à-dire, par exemple, un besoin qui serait identifié sur le terrain par un de nos professionnels et auquel la formation et/ou le conseil pourrait répondre.
  • Pour la recherche et développement : le temps nécessaire à la R&D s’inscrit dans la durée et il nous est nécessaire de trouver des partenaires avec qui expérimenter et qui soient également dans cette logique d’innovation.

Comment dès lors dépasser ces limites ?
L’approche par la complexité.

Chacune de ces activités répond donc à un besoin : les pratiques professionnelles, l’organisation, la réadaptation et l’innovation. Pour répondre au défi de la complexité, Blaise Pascal pose comme fondamental le fait de connaître le tout et les parties. Ici, le « tout » correspond aux écosystèmes singuliers des structures comme les établissements et les services à domicile qu’il nous faut connaître pour répondre aux « vrais » besoins des personnes. Les « parties » correspondent aux quatre besoins identifiés.

Notre manière de répondre à ce défi de la complexité réside désormais dans le fait de générer cette connaissance globale en créant du lien entre nos activités. Le nouveau processus que nous modélisons se compose de trois étapes majeures qui se répéteront idéalement en plusieurs boucles. Une première étape de conseil qui établira un diagnostic in vivo sur le terrain pour identifier les besoins sur les trois dimensions évoquées plus haut. Une deuxième étape articulant formation et accompagnement pour favoriser le transfert de connaissances, l’intégration des changements à opérer et l’implication maximale des équipes de terrain grâce au soutien hebdomadaire de nos professionnels. Puis, une troisième étape d’évaluation, dressant le bilan de ce qui s’est déroulé et préparant la suite des actions. Ici, le « tout » est donc connu ainsi que les « parties ». Enfin, par la recherche et développement, nous agissons et apprenons pour conduire les changements et répondre au formidable enjeu de l’épanouissement de tous et de la préservation de l’autonomie des personnes âgées.

Faire vivre la complexité est un atout majeur dans un environnement instable et changeant. Grâce à nos interventions, nous avons la volonté d’accompagner nos partenaires, les établissements et les services dans le renforcement de leur propre capacité à faire face, à rebondir et à faire de ces organisations des espaces de créativité et de plaisir pour les personnes qui y sont accompagnés et pour les professionnels qui les accompagnent. Pour répondre à cet enjeu, la complexité est un beau et passionnant outil qui peut se révéler finalement assez simple à manier quand on y travaille tous ensemble. Ça vaut le coup de s’y pencher !