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Former les futures aides‑soignantes grâce au e-learning
  • Myriam POCHART Responsable pédagogique de ReSanté-Vous Formation
  • Nicolas ROUMAGNE Co-Directeur de ReSanté-Vous
Posté le 16 février 2021 dans Dossiers

Aujourd’hui, la crise COVID-19 bouscule les méthodes pédagogiques. Les formations 100% présentielles deviennent des formations 100% digitales (e-learning) et ce, sans même questionner l’intérêt pédagogique de l’un ou de l’autre. En tant qu’entreprise sociale et organisme de formation depuis 10 ans, ReSanté-Vous prend le virage pour continuer à proposer ses services. Mais nous ne pouvons prendre un virage à 90° sans questionner l’intérêt pédagogique ?

Les universités, symbole de la transmission de connaissances et compétences, ont montré à plusieurs endroits en France (Nice, Bordeaux…) leurs difficultés pédagogiques. Le Parisien (étudiant) a titré récemment « La crise sanitaire et l’avènement du digital remet au premier plan la question essentielle de la transmission des connaissances. » Par conséquent, la formation continue doit mener les mêmes réflexions.

Les enjeux de la formation : en route vers la performance

Adapter les pratiques professionnelles, développer les compétences et la qualité d’intervention des équipes, faire évoluer les connaissances et les savoir-faire. La formation est devenue un enjeu stratégique pour les Ehpad et les services à domicile. Les compétences sont des ressources stratégiques de ces structures car elles sont la qualité du service rendue aux bénéficiaires, aux clients et donc aux personnes âgées. De ce fait, elles contribuent largement à une quête de qualité de services proposés en réponse à la complexité des situations de santé auxquelles les structures doivent faire face de plus en plus.

Le modèle VRIN développé par Barney (1991) et ses extensions (par exemple le modèle VRIO – Barney et Hesterly, 2005) constituent la base de nombreux articles portant sur les ressources et leur importance (Priem et Butler, 2001; Barney et Clark, 2007). Le premier attribut que possède une ressource stratégique est sa valeur. Cette dernière est évaluée par sa capacité à concevoir et implémenter des stratégies qui améliorent la démarche, la qualité et/ou le service rendu aux personnes âgées.

Lors des 10 dernières années, nous observons que le secteur social (SAAD) et médico-social (SSIAD, EHPAD) sont des secteurs de plus en plus en concurrentiels. Les structures lucratives ne sont plus les seules à élaborer des stratégies dans ce sens. À ce titre, le plan de formation devient un outil stratégique pour faire monter en compétences les collaborateurs/trices et ce d’autant plus, qu’il contribue à une bonne qualité de vie au travail.

Parmi les compétences visées, nous avons observé de nombreuses priorités données aux contenus spécifiques comme la bientraitance, la qualité de vie au travail, la prévention (des chutes, des troubles psycho-comportementaux…), les activités (manuelles, physiques…) et la fin de vie… Le contenu spécifique semblait, depuis les années 2000, la priorité des établissements, de leurs tutelles (CD, ARS) et des OPCA, depuis peu OPCO.

La digitalisation des formations

Les formations en ligne existent depuis l’émergence d’internet mais sont peu présentes pour la formation continue des professionnels travaillant auprès de personnes âgées. Depuis Mars 2020, la réalisation des formations présentielles est devenue de plus en plus complexes, tant dans son organisation (gestion des ressources RH, gestion de planning) que dans sa réalisation (normes sanitaires dans la gestion des espaces et du matériel). De plus, avec la loi « Avenir », les prises en charges financières, hors temps pédagogique, ont été modifiées. Il n’est donc pas étonnant de voir pléthore de formations digitalisées depuis le premier confinement.

De la classe virtuelle à la plateforme LMS, toutes ces formations proposent d’accompagner au développement de compétences autour de la personne âgée par le digital. En effet, le développement des logiciels permet d’améliorer la conceptualisation de formation e-learning car la plupart des outils pédagogiques utilisés en formation présentielle se retrouvent en format numérique : de la carte mentale interactive et collaborative, aux questionnaires dynamiques, des photos/vidéos évolutives ou encore des serious game. Dès lors, le e-learning semble être LA solution de formation : mêmes outils pédagogiques avec en plus des avantages économiques et organisationnels. Plus de frais de déplacement ou de repas, pas besoin de remplacer le professionnel donc moins de gestion de planning ; et surtout, la plupart des formations proposent des modules pour que chacun des salariés avance à son rythme.

Toutefois, le format e-learning a ses limites notamment pour les EHPAD et les SAAD. Tous les professionnels (aides soignantes, aides à domicile, IDE…) ne sont pas familiarisés ou à l’aise avec le numérique et internet. La fracture numérique existe et peut freiner le développement de compétences car le salarié aura des difficultés à investir l’action de formation. La loi « Avenir » de 2018 intègre et valide la formation e-learning comme une action de formation. Néanmoins, cette même loi définit une action de formation comme permettant le développement de compétences professionnelles ou de qualification.

Le développement de compétences par le digital

Une compétence professionnelle correspond à une qualification professionnelle qui se décline en savoirs, savoir-faire et savoir-être. Au sein des compétences professionnelles, il est à distinguer les compétences techniques des compétences comportementales.

Les compétences techniques correspondent aux savoir-faire opérationnels alors que les compétences comportementales englobent les savoir-être. Il semble tout à fait cohérent de pouvoir accompagner à l’acquisition de connaissances/savoirs théoriques avec du e-learning. Les outils pédagogiques numériques permettent d’évaluer de façon ludique leur acquisition et leur compréhension.

Les savoir-faire correspondent à des techniques, elles peuvent donc être apprises via un support numérique puis être transposée sur le terrain. Mais cela soulève une première limite, comment assurer et certifier au professionnel de sa bonne compréhension de la technique et de sa pratique ? Mais surtout est-ce vraiment adapté à la situation vécue par le stagiaire ? Les plateformes LMS proposent de pouvoir déposer des vidéos, les stagiaires peuvent ainsi se filmer et avoir un retour mais le réajustement est limité.

Enfin, les compétences comportementales sont le reflet du développement des pratiques professionnelles (soft skills). Comment les accompagner et les évaluer au cours d’une formation digitale ? Le quotidien des professionnels accompagnant les personnes âgées est la relation humaine, il semble donc indispensable d’avoir des temps en présentiel avec le formateur afin de pouvoir mieux comprendre et développer des compétences relationnelles spécifiques et adaptées.

Par exemple, une formation 100% digitale autour de la pathologie d’Alzheimer et des comportements perturbateurs. Le stagiaire pourra acquérir et valider les connaissances théoriques sur la pathologie et les définitions. Il va pouvoir comprendre théoriquement les facteurs relationnels et leur sens (dialogue tonico-émotionnel, les émotions et leurs impacts) ? Mais comment nous pouvons imaginer le transfert de cette connaissance sur le terrain, avec Mme Durant ? En se référant à la théorie de l’apprentissage du constructivisme, il est nécessaire d’être dans des situations actives pour apprendre et comprendre. Pour parfaire et évaluer les acquisitions, les théories sociales de la communication confirment la nécessité d’interaction et d’échanges pour construire le sens des apprentissages. En somme, les approches relationnelles se pratiquent et se réfléchissent par la relation humaine…

Ainsi, il semble complexe de pouvoir accompagner et valider le développement de pratiques professionnelles juste avec une formation 100% digitale notamment dans le secteur gérontologique. Si les ressources sont stratégiques pour dispenser un service de la plus grande qualité aux aînés, la formation doit perdurer et la forme pédagogique est à réinventer sans oublier l’importance de la relation.

Pourtant, en milieu professionnel ou étudiant, la plate-forme de visioconférence Zoom a connu une explosion. Entre 2019 et 2020, le nombre de réunions sur Zoom a augmenté de 3 000 %… Cette plateforme nous a permis de réinventer les réunions rapides et efficaces mais l’efficacité doit-elle être plus importante que l’interaction sociale ?