ReSanté-Vous agit pour que chaque personne âgée se sente autonome, s’épanouisse, et puisse s’engager dans des activités porteuses de sens et ce, quel que soit son état de santé. Vous pourrez lire une interprétation ou « point de vue » de deux professionnels de ReSanté-Vous : Fanny SOUM-POUYALET (chercheuse et ergothérapeute) et Laura ORDAZ LOSAVIO (art-thérapeute et psychologue).

Fanny : une alchimie des besoins, envies, intérêts et capacités de la personne

Lorsque j’ai rencontré Geneviève, elle présentait plusieurs troubles fonctionnels qui contrariaient grandement ses mouvements. Elle avait, de fait, de grandes difficultés à se déplacer. Mais ce qui la dérangeait par-dessus tout c’était de ne pas réussir à ouvrir ses volets. Pour autant, il était inenvisageable pour elle de s’équiper de télécommandes électriques et autre élément de domotique. Et pour cause ! « Quand mes enfants étaient petits, je n’allumais jamais la lumière pour les réveiller, j’allais doucement ouvrir les volets ! J’adorais ce moment !» m’expliqua-t-elle alors. Pour elle, aujourd’hui seule à domicile, ce rituel garde une valeur symbolique et sentimentale importante. Il est porteur d’un sens que l’ergothérapeute se doit de respecter et de prendre en considération.

En tant que professionnel de la santé, l’ergothérapeute se base sur une approche globale, dite systémique, centrée sur la personne qui vise à aider celle-ci à retrouver ou maintenir un équilibre (bien-être physique et mental) grâce à l’activité et à maximiser son niveau de participation sociale. Il s’intéresse donc à ce qui mobilise le comportement intentionnel des individus dans un environnement donné. À ce titre, il accorde une importance fondamentale aux notions d’activités signifiantes (sens individuel de l’activité) et significatives (sens social). Stimuler, faciliter ou rendre accessible l’activité doit nécessairement poursuivre l’une des finalités suivantes : le plaisir, le ressourcement, la productivité (intérêt pratique ou financier), et/ou la socialisation et l’engagement social.

La question du sens que la personne accompagnée donne à l’activité est par conséquent au centre de notre approche thérapeutique. Elle oriente et détermine les objectifs du plan d’intervention en ergothérapie qui doit être en cohérence avec les besoins, envies, intérêts et capacités de la personne et s’articuler aux enjeux de son environnement (familial, social et/ou institutionnel). Ainsi, l’efficacité de notre accompagnement en gérontologie se mesure moins en termes de récupération de capacités fonctionnelles qu’en termes d’accomplissement personnel.

ReSanté-Vous porte également cette question au cœur de la démarche de recherche et d’innovation. La qualification « solidaire d’utilité sociale » prend là toute sa valeur. S’appuyant sur les besoins et constats de terrain, les projets innovants ont vocation à s’ancrer dans la réalité du vécu de chacun des acteurs pour apporter des réponses concrètes. Co-construits avec les principaux protagonistes : bénéficiaires, équipes d’accompagnement, et autres partenaires de proximité, ces projets visent à promouvoir et à diffuser une vision sociétale basée sur l’épanouissement et l’estime de toutes les parties prenantes du champ de la gérontologie. À la sortie d’une crise sanitaire qui a mis à mal un secteur déjà fortement fragilisé, il est plus que jamais temps de réaffirmer notre détermination à œuvrer pour maintenir cette question du sens au cœur des actes de la vie quotidienne comme des actions publiques.

Laura : un simple sourire peut cacher le sens d’une journée entière

Il me semble que la simplicité ou l’ingéniosité de ce que nous proposons dans la relation de soin ne doit pas être forcément définie à l’avance afin d’amplifier au mieux les possibilités relationnelles. Ce que nous proposons comme forme d’accompagnement doit, naturellement se recréer au cœur de cette relation qui s’installe progressivement avec la personne.

Dans cet ordre d’idées, le sens initial de mon action sur l’activité que je prévois comme thérapeutique, peut se voir complètement changé, voire transformé au fur et à mesure des rencontres avec la personne. Il me semble que cette posture d’ouverture à la rencontre peut fonctionner ici comme un premier pas pour faire du lien. Cela, en souhaitant comme à l’idée de gouttes homéopathiques, qu’un effet de bien-être s’installe dans la durée, malgré un contexte de vie difficile.

À mon avis, le fond de nos accompagnements ne devrait pas s’arrêter uniquement à proposer des activités, souvent éphémères dès que notre intervention arrive à sa fin. Il me paraît également important de mettre l’accent sur l’intentionnalité de nos actions, leur influence et sur notre propre observation. C’est cette sensibilité-là, au cœur de nos actions et en résonance avec la personne, qui peut faire empreinte chez la personne et l’organisation qui l’accompagne.

À ce stade de réflexion : peut-on considérer l’activité comme le plus important à retenir ou plutôt la qualité de l’intention et le degré d’observation avec laquelle nos actions sont dirigées ? Quand je vois un sourire naître chez une personne âgée, je me tourne vers la personne pour qu’elle retrouve les clés intérieures d’une telle ouverture. Ces clés sont à comprendre comme des ressources vitales se trouvant toujours à l’intérieur de soi.

Au fond il me paraît prétentieux de penser que nous pouvons venir proposer quelque chose qui n’existait pas déjà chez la personne. En revanche, nous pouvons venir, en tant que thérapeute, identifier des clés ou appuyer sur certains points chez la personne pour réactiver ses ressources. C’est cette réactivité, ou flamme intérieure, qui est une « mise en mouvement » porteuse de sens. Voilà pour moi un moyen pour que nos actions restent auprès des aînés que nous accompagnons au quotidien, sans oublier l’empreinte que cette relation laisse aussi en nous.

Il me semble difficile de trouver des activités porteuses de sens pour tout le monde, mais on peut toujours venir rencontrer la personne là où elle est. Ici les valeurs peuvent être utilisées comme une première clé ou piste universelle pour favoriser la rencontre. Pour cela, l’adoption d’une posture d’écoute et d’accompagnement non directive me paraît essentielle.

Il est peut-être utile de comprendre les valeurs de la personne, comme un des moteurs motivationnels le plus résistant au fil des années. Ce sont ces mêmes valeurs qui ne doivent pas être trahies quand nous cherchons l’épanouissement de la personne. Arriver à faire appel aux valeurs de la personne, c’est pour moi un art qui détermine fortement la qualité de la rencontre. Retrouver la personne à travers ses valeurs, c’est respecter une certaine continuité de dignité vitale.

Afin d’honorer la parole des personnes que nous accompagnons, ce qui me paraît le plus juste est de découvrir avec elle ce qui l’anime et de respecter également son choix quand sa flamme ne souhaite plus être rallumée. Gardons en tête que derrière un simple sourire peut se cacher le sens d’une journée entière.

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